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L’embargo des États-Unis contre Cuba, mis en place en réponse à la nationalisation des biens américains à la suite de la révolution de Fidel Castro, est une question internationale controversée depuis plus de six décennies. Le maintien de l’embargo reflète non seulement les relations historiques complexes entre les États-Unis et Cuba, mais aussi les tensions géopolitiques et les alliances actuelles. L’inculpation du sénateur démocrate Bob Menendez pourrait influencer la politique américaine à l’égard de Cuba.

Le programme de sanctions américaines contre Cuba, imposé après la révolution castriste de 1959 et officialisé en 1963 par la réglementation sur le contrôle des avoirs cubains, est le plus ancien qui existe. Lancé en 1962 par le décret 3447 du président John F. Kennedy, l’embargo visait à isoler Cuba en raison de son alignement sur les puissances communistes. Le maintien des sanctions a été justifié au fil des ans par les violations des droits de l’homme commises par La Havane et par son soutien à Nicolas Maduro au Venezuela, malgré la position ferme de Cuba sur ces questions.

Depuis 1992, Cuba présente chaque année à l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) une motion condamnant les sanctions. Le soutien constant apporté à cette motion par la plupart des États membres de l’ONU, à l’exception des États-Unis, d’Israël (sauf en 2016) et récemment de l’Ukraine, témoigne de la désapprobation de la communauté internationale à l’égard de l’embargo. Le veto américain reste cependant ferme.

La résolution de cette année, intitulée « Nécessité de lever l’embargo économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis d’Amérique », souligne l’inquiétude de l’Assemblée générale des Nations unies quant aux effets néfastes persistants de l’embargo sur les citoyens cubains et les expatriés. Cependant, malgré de brefs assouplissements sous la présidence de Barack Obama, l’embargo s’est intensifié depuis 2017.

L’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution non contraignante chaque année depuis 1992, sauf en 2020 (en raison d’absences dues à la pandémie de COVID-19), condamnant l’impact continu de l’embargo et déclarant qu’il s’agit d’une violation de la Charte des Nations unies et du droit international. En réponse, pour la 31e année consécutive, les États-Unis ont toujours opposé leur veto à la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à la levée de l’embargo économique, commercial et financier à l’encontre de Cuba. Cette position américaine, qui reflète une politique remontant aux lendemains de la révolution cubaine de 1959, intervient en dépit d’un soutien mondial écrasant en faveur de la levée des sanctions.

Le dernier vote de l’Assemblée générale des Nations unies, le 2 novembre 2023, a illustré de manière frappante le sentiment mondial sur la question : 187 voix pour, 2 voix contre (les États-Unis et Israël) et 1 abstention (l’Ukraine). Le ministre cubain des affaires étrangères, Bruno Rodríguez Parrilla, a critiqué l’embargo comme un acte de guerre économique qui viole les règles du commerce international et entrave le développement de Cuba. Il a souligné le caractère inhumain de l’embargo, en particulier lors de crises telles que la pandémie de COVID-19. Plusieurs autres États, dont le Gabon, le Chili et le Pérou, se sont également ouvertement opposés à l’embargo. Ils ont souligné que l’embargo est une violation du droit international et ont insisté sur son impact négatif sur la santé publique, la culture, les performances économiques et le bien-être général de Cuba.

Pour défendre la position américaine, le représentant Paul Folmsbee a souligné le soutien des États-Unis aux droits de l’homme et aux libertés des Cubains, présentant les sanctions comme faisant partie d’une stratégie visant à encourager les réformes démocratiques à Cuba.

Initialement, l’embargo visait Cuba, mais il s’est étendu pour pénaliser les entreprises et les banques étrangères opérant à Cuba avec l’introduction des lois Torricelli et Helms-Burton en 1992 et 1996, respectivement. Ces lois ont transformé l’embargo en un blocus plus large, étendant son impact à l’échelle internationale.

Les sanctions sont exhaustives mais poreuses, avec de nombreuses exceptions permettant des échanges limités. Selon des experts tels que Richard Feinberg, professeur d’économie politique internationale à l’université de Californie-San Diego, ces mesures n’interdisent pas aux entreprises non américaines de commercer avec Cuba, mais les répercussions de l’embargo rendent le commerce et les investissements plus risqués et plus coûteux.

Ces exceptions ont fluctué selon les administrations. Les voyages entre les États-Unis et Cuba restent légaux sous certaines conditions, mais les réglementations sont devenues plus restrictives, l’administration Trump ayant éliminé l’exception « people-to-people » en 2019.

La politique américaine à l’égard de Cuba est fortement influencée par la politique intérieure, en particulier par l’importance électorale de la Floride, où vit une importante communauté d’expatriés cubains. Cela a souvent empêché tout assouplissement significatif de l’embargo.

L’opinion publique sur l’embargo fluctue d’une année à l’autre, la grande majorité s’accordant à dire que l’embargo n’a pas atteint ses objectifs. Le paysage politique actuel des États-Unis, en particulier le Sénat divisé en deux, a influencé la position de l’administration Biden sur Cuba, en s’alignant sur des personnalités comme le sénateur démocrate Bob Menendez, fervent défenseur de l’embargo cubain.

Le sénateur Menendez fait actuellement l’objet d’une inculpation pour des délits liés à la corruption. Il est notamment accusé d’avoir agi en tant qu’agent étranger pour le compte du gouvernement égyptien et d’avoir accepté des centaines de milliers de dollars de pots-de-vin pendant de nombreuses années. M. Menendez a quitté son poste de président de la commission sénatoriale des affaires étrangères en septembre 2023. De nombreux démocrates, qui ont défendu M. Menendez pendant des années, se trouvent aujourd’hui face à un dilemme. Pour le parti démocrate, l’inculpation de Menendez pourrait s’avérer politiquement coûteuse, car elle pourrait influencer la politique américaine sur l’embargo cubain et les prochaines élections présidentielles américaines en 2024.

Photo : La Havane, 6 août 2021. Des personnes participent à un rassemblement contre l’embargo américain à La Havane, Cuba, le 5 août 2021. Des centaines de jeunes à vélo, tricycles et véhicules à moteur ont participé à un rassemblement jeudi, demandant la fin de l’embargo américain sur l’île, qui dure depuis six décennies. © IMAGO / Xinhua
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