La Ligue arabe a décidé de soutenir l’ambitieux plan égyptien de 47,9 milliards d’euros (53 milliards de dollars) pour reconstruire Gaza, en réponse à la vision du président américain Donald Trump d’une « Riviera du Moyen-Orient ». La proposition inclut de riches investisseurs immobiliers qui seraient prêts à faciliter le nouveau développement. L’UE a déjà manifesté son soutien à cette initiative. Dans les derniers développements, les Émirats arabes unis (EAU) font toutefois pression pour que l’administration Trump rejette le plan.
Alexandra Dubsky
27 mars 2025
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En février 2025, le président Trump a partagé sur son compte Truth Social une vidéo générée par l’IA représentant un « Gaza d’or ». Le clip le mettait en scène avec son proche conseiller, le milliardaire de la technologie Elon Musk, en train de grignoter sur la plage, Musk et Netanyahou se prélassant torse nu au soleil. La vidéo comprenait des paroles telles que « Trump Gaza is finally here » (« La Gaza de Trump est enfin là »). Le président Trump aurait déclaré qu’il n’imposera ses idées à personne, mais il continue d’insister sur le fait que son plan est le seul « qui fonctionne vraiment ».
Il a fallu que le président Trump déclare que l’Amérique prendrait le contrôle de Gaza pour que le monde arabe unifie sa politique à l’égard de Gaza. Les dirigeants arabes qui se sont réunis lors d’un sommet d’urgence au Caire, en Égypte, le 4 mars 2025, ont approuvé un vaste plan de reconstruction comme alternative à la proposition de Trump qui comprenait la relocalisation de la population civile palestinienne qui y vit.
« Le plan égyptien est désormais un plan arabe », a déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, à l’issue de la réunion du Caire. Il a souligné que « la position arabe rejette fermement toute relocalisation, qu’elle soit volontaire ou forcée ».
La proposition du Caire a été élaborée par un large éventail d’experts, dont des spécialistes de la durabilité de la Banque mondiale et des promoteurs hôteliers de Dubaï. Elle tire également les leçons des villes déchirées par la guerre qui ont été reconstruites avec succès, comme Hiroshima, Beyrouth et Berlin. En outre, les projets sont influencés par l’expérience de l’Égypte avec le « Nouveau Caire », un mégaprojet de grande envergure qui comprend une nouvelle capitale administrative dans le désert environnant du Caire.
Bien que le Hamas ait accepté le plan, Israël s’oppose à l’internationalisation du conflit de cette manière, selon des diplomates de la région.
Les dirigeants de deux acteurs majeurs de la région, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, n’étaient pas présents au sommet du Caire. Alors que le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed bin Salman a souligné le soutien total du Royaume à la résolution de la Ligue arabe sur Gaza, les Émirats arabes unis feraient désormais pression sur l’administration Trump pour faire dérailler le plan égyptien. Les Émirats arabes unis font valoir que le plan égyptien pour Gaza ne détaille pas explicitement la manière dont le Hamas serait désarmé et éliminé de la bande de Gaza.
En outre, l’ambassadeur des EAU aux États-Unis, Yousef al-Otaiba, a fait pression sur des personnalités clés du cercle rapproché du président Trump et des législateurs américains pour qu’ils poussent l’Égypte à accepter les Palestiniens déplacés de force, selon un responsable américain et une source égyptienne, a rapporté le Middle East Eye (MEE). Auparavant, Otaiba a déclaré qu’il ne voyait « aucune alternative » à la proposition de Trump plus tôt cette année pour le déplacement forcé des Palestiniens en dehors de la bande de Gaza.
Le porte-parole du Conseil national de sécurité des États-Unis, Brian Hughes, a déclaré : « Le président Trump a été clair sur le fait que le Hamas ne peut pas continuer à gouverner Gaza », ajoutant : « Alors que le président s’en tient à sa vision audacieuse d’une Gaza d’après-guerre, il accueille favorablement la contribution de nos partenaires arabes dans la région. »
Shahira Amin, journaliste indépendante basée au Caire et chercheuse au sein du think tank américain Atlantic Council, a déclaré à iGlobenews lors d’une interview exclusive : « Il s’agit d’une lutte de pouvoir entre l’Égypte, qui a été le leader régional pendant des décennies, et les Émirats arabes unis, qui sont désireux de prendre cette position. Les Émirats arabes unis avaient normalisé leurs liens avec Israël avant l’attaque du Hamas en octobre 2023, notamment par des échanges de visites, des programmes d’échange d’étudiants, etc. – ce que l’Égypte n’a jamais fait.
La proposition de la Ligue arabe est conçue pour être mise en œuvre en trois phases. La première, une « phase initiale de redressement » de six mois, se concentrera sur le déblaiement de vastes quantités de décombres et sur l’enlèvement des armes non explosées. Les deux phases suivantes s’étendront sur plusieurs années et concerneront la reconstruction des bâtiments résidentiels et des infrastructures. Pendant cette période, les habitants de Gaza déplacés seront logés dans des conteneurs temporaires.
Les responsables égyptiens affirment que le plan désigne clairement l’Autorité palestinienne (AP) comme l’organe directeur. Il propose une force de sécurité pour Gaza formée par la Jordanie et l’Égypte et laisse ouverte la possibilité de déployer des forces de maintien de la paix de l’ONU à la fois à Gaza et en Cisjordanie. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a « fermement approuvé » l’initiative arabe, ajoutant que « les Nations unies sont prêtes à coopérer pleinement à cette entreprise.
L’Union européenne a salué le plan arabe de redressement et de reconstruction présenté lors du sommet du Caire le 4 mars, qui a également été adopté par l’OCI. « L’UE est déterminée à ce que le Hamas ne joue plus aucun rôle à l’avenir dans la bande de Gaza et qu’il ne constitue plus une menace pour Israël. Nous continuerons à apporter notre soutien politique et financier à l’Autorité palestinienne et à son programme de réformes, afin de l’aider à préparer son retour à la tête de la bande de Gaza », indique un communiqué officiel de la Commission européenne.
« L’UE est pleinement engagée dans la relance d’un horizon politique vers la paix au Moyen-Orient, basé sur la solution de deux États. Elle rappelle l’importance d’une distribution soutenue de l’aide humanitaire à grande échelle dans toute la bande de Gaza », conclut le document.
Les principaux conseillers de M. Trump ont eu des réactions mitigées à l’égard du plan d’après-guerre de la Ligue arabe pour Gaza. Lors de sa visite régionale en mars, l’envoyé américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, n’a pas entièrement approuvé le plan, mais l’a décrit comme la « base des efforts de reconstruction ». Certains responsables américains et égyptiens estiment que le lobbying des Émirats arabes unis a tendu les liens entre les États-Unis et l’Égypte.
Witkoff s’était rendu au Moyen-Orient pour négocier avec le Hamas, une démarche inédite puisque les États-Unis ont refusé par le passé de négocier directement avec le Hamas, qu’ils considèrent comme une organisation terroriste. M. Witkoff était chargé de faire respecter le cessez-le-feu et d’obtenir la libération de tous les otages, morts ou vifs.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a salué le plan de M. Trump en le qualifiant de « visionnaire », a toutefois toujours exclut toute implication future du Hamas et de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza.
Lors du sommet du Caire, le président égyptien Abdul Fattah al-Sisi a souligné la nécessité d’une initiative parallèleà la reconstruction physique de la bande de Gaza, pour faire avancer la solution de deux États, à savoir un État palestinien coexistant avec Israël. Alors que les nations arabes et de nombreux autres états y compris de l’Europe, et même de nombreux Israéliens, considèrent qu’il s’agit là de la seule voie viable vers une paix durable, M. Netanyahu et ses alliés rejettent fermement cette option.
Les investisseurs immobiliers de certains États arabes se sont montrés disposés à couvrir une part importante des coûts massifs. Les investisseurs potentiels restent toutefois hésitants, ne voulant pas engager de fonds à moins d’être assurés qu’un nouveau conflit ne réduira pas à nouveau les infrastructures reconstruites à l’état de ruines.
Leur hésitation est confirmée par l’effondrement du cessez-le-feu. Depuis la reprise de sa campagne militaire à Gaza le 18 mars, Israël a tué près de 700 Palestiniens, dont au moins 400 femmes et enfants, selon le ministère de la santé de Gaza, dirigé par le Hamas.
Le 24 mars, l’Égypte a proposé un nouveau plan de cessez-le-feu pour rétablir la paix à Gaza. Ce plan prévoit que le Hamas libère cinq otages israéliens par semaine, Israël mettant en œuvre la phase suivante du cessez-le-feu après la première semaine. Le Hamas détiendrait encore 59 otages : 24 d’entre eux seraient encore en vie.
Le plan égyptien prévoit également un calendrier pour le retrait total d’Israël de la bande de Gaza, qui serait soutenu par des garanties américaines et la libération des otages.
Si les États-Unis et le Hamas ont accepté la proposition, Israël n’a pas réagi.