La Chine s’est lancée dans la course à l’espace. Avec le lancement réussi du module Tianhe, la station spatiale chinoise Tiangong est en bonne voie. La politique d’exclusion de la Chine menée par la NASA a également contribué à l’essor spatial de la Chine.
Scarlett Yan
27 mai 2021
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Le 29 avril, la Chine a lancé avec succès le module Tianhe, élément clé de sa station spatiale. Cette opération marque la première étape vers la création de la station spatiale chinoise Tiangong, conçue et lancée de manière indépendante par la Chine. Comment comprendre l’ambitieux programme spatial chinois ? Pourquoi la Chine souhaite-t-elle construire sa propre station spatiale ? Et quelles sont les implications pour les programmes spatiaux mondiaux ?
Qu’est-ce que Tianhe ?
Le module Tianhe est la cabine centrale de la future station spatiale chinoise, la station spatiale Tiangong, et sert de centre de gestion et de contrôle. La cabine, qui peut accueillir trois astronautes, a une longueur totale de 16,6 mètres, un diamètre maximal de 4,2 mètres et une masse au décollage de 22,5 tonnes.
Étape la plus importante de la mission, le lancement de Tianhe a marqué le début des travaux de construction en orbite de la station spatiale Tiangong. Les autres composants clés de la station spatiale Tiangong sont les laboratoires Mengtian et Wentian. Ils seront lancés dans l’espace au cours de l’année à venir, avec une dizaine de lancements. On estime qu’en 2022, la station spatiale Tiangong sera en orbite et pleinement opérationnelle. La durée de vie prévue de Tianhe est de 10 ans, mais elle devrait être prolongée jusqu’à 15 ans.
Dans une lettre de félicitations, le président chinois Xi Jinping a déclaré : « J’espère que vous perpétuerez avec vigueur l’esprit des « deux bombes et un satellite » et celui des vols spatiaux habités, que vous ferez preuve d’autonomie et d’innovation pour remporter la victoire dans la construction de la station spatiale et que vous contribuerez à la construction d’un pays socialiste moderne. » L’esprit des « deux bombes et un satellite » est le nom donné par le président Mao au projet nucléaire, spatial et de missiles de la Chine dans les années 1950.
En 1992, la Chine a établi une « stratégie en trois étapes » pour la technologie spatiale. La première étape consiste à envoyer des astronautes dans l’espace à bord d’un vaisseau spatial chinois et à assurer leur retour en toute sécurité ; la deuxième étape consiste à maîtriser certaines technologies nécessaires à la construction d’une station spatiale, notamment les activités extravéhiculaires, l’amarrage orbital et le ravitaillement en carburant en orbite ; la troisième et dernière étape consiste à construire une grande station spatiale permanente et à l’exploiter avec succès, le lancement réussi de Tianhe étant la clé de cette étape.
Prestige national
Dans le domaine spatial, la Chine est un nouveau venu. Pendant longtemps, l’Union soviétique et les États-Unis ont dominé l’espace, et la course à l’espace entre les deux grandes puissances était un aspect important de la guerre froide. Après la guerre froide, de nombreux pays se sont lancés dans l’exploration et l’utilisation de l’espace. La coopération internationale est le moyen le plus important pour travailler dans l’espace. À l’heure actuelle, la seule station spatiale en orbite est la Station spatiale internationale (ISS), un projet multinational auquel participent plusieurs pays, dont la Russie, les États-Unis, l’Europe, le Canada et le Japon.
Pourquoi la Chine souhaite-t-elle construire sa propre station spatiale plutôt que de coopérer au projet ISS ? L’une des principales raisons est que la Chine est interdite de participation à l’ISS. Bien que de nombreux astronautes d’autres pays aient pu entrer dans l’ISS, les astronautes chinois n’en ont jamais eu l’occasion. Cela remonte à un projet de loi adopté par le Congrès américain en 2011. La loi de 2011 sur le département de la Défense et les crédits budgétaires annuels interdit officiellement à la NASA de coopérer avec la Chine de quelque manière que ce soit (politique d’exclusion de la Chine de la NASA).
« Nous devrions remercier les États-Unis de nous avoir bloqués dans le domaine de la technologie spatiale » est l’un des commentaires les plus populaires sur les réseaux sociaux chinois. Cela reflète aussi plus ou moins l’état d’esprit qui règne en Chine. À cet égard, le développement et la construction par la Chine de sa propre station spatiale sont devenus une mission patriotique et une démonstration du prestige national. Jinjiang Zhang, ingénieur en chef adjoint du module Tianhe, a déclaré que la construction de la station spatiale fait partie du « rêve chinois » pour des millions de Chinois. « L’exploration spatiale est une démonstration de la puissance nationale globale d’un pays. Elle est importante pour rehausser notre prestige international et renforcer la cohésion de notre peuple. »
Une nouvelle course à l’espace ?
Les performances de la Chine ont également suscité certaines inquiétudes quant à l’éventualité d’une nouvelle course spatiale. L’avenir de l’ISS reste incertain, son financement devant prendre fin en 2024, et la Russie ayant déclaré être prête à se retirer de ce projet en 2025. Cela pourrait signifier que, pendant un certain temps, la station spatiale chinoise Tiangong pourrait être la seule station spatiale opérationnelle dans l’espace.
Bien que la Chine ait déclaré sa volonté de coopérer avec la communauté internationale dans le domaine des sciences spatiales, il n’est pas certain que les grandes puissances collaboreront avec elle dans ce domaine. Ces pays considèrent la montée en puissance de la Chine dans le domaine spatial et militaire comme un exemple parfait du « piège de Thucydide », défini par le politologue américain Graham Allison, qui a été le premier à utiliser ce concept, comme la tendance à la guerre lorsqu’une puissance émergente est perçue comme une menace susceptible de remplacer une grande puissance existante en tant que hégémon régional ou international. Les États-Unis accepteraient-ils la « montée pacifique » de la Chine, même si le conflit potentiel ne se situerait pas sur Terre, mais dans une nouvelle frontière : l’espace ?




