Hypatie, célèbre spécialiste de la philosophie, des mathématiques et de l’astronomie, a été assassinée en 415 après J.-C. à Alexandrie, en Égypte. Ses travaux ont fondé les bases de l’astronomie moderne. Elle a défié les normes sociétales de l’époque et a vécu une vie extraordinaire, consacrée à la poursuite de l’éducation et de la raison. Sa mort est le résultat direct d’une « fake news ». Une foule violente l’a exécutée publiquement.
Alexandra Winterstein
28 avril 2025
English version | German version
Le déclin de l’Empire romain d’Occident fut un long processus. Il s’est dégradé à la fois de l’intérieur et à cause des incessantes batailles et incursions des Goths qui ont commencé en 376 après J.-C. Edward Gibbon (1737-1794), le plus grand spécialiste du déclin de Rome, soutient que la conversion de l’empereur Constantin au catholicisme, qui a entraîné la purge et la fuite vers l’Est des autres sectes chrétiennes, a été l’une des principales causes de ce déclin. En 476, l’Empire romain d’Occident prend fin.
La ville d’Alexandrie, qui faisait partie de l’Empire romain d’Orient, était un foyer d’activité intellectuelle dans le monde antique du IVe siècle. C’était une civilisation qui jouait un rôle clé dans la région depuis plus de 4 000 ans. Alexandre le Grand avait conquis cette terre au IVe siècle avant J.-C. et créa une nouvelle ville à son nom, qui englobait la culture et le style romains, helléniques et égyptiens. Alexandrie était un centre d’échanges sociaux et intellectuels, notamment en raison de sa célèbre bibliothèque, détruite par un incendie sous le règne de Jules César.
« Mort de la philosophe Hypatie, à Alexandrie ». Cette version particulière est tirée du livre Vies des savants illustres, depuis l’antiquité jusqu’au dix-neuvième siècle , de Louis Figuier, publié pour la première fois en 1866. Cependant, cette image est apparue plus tôt dans le journal Le Voleur Illustre, numéro 475, 7 décembre 1865 © By Unknown author – WELT, 2019, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=79593109
Hypatie d’Alexandrie (vers 358 après J.-C.) était une érudite, une oratrice et une conférencière grecque pionnière qui a défendu sans relâche la recherche de la connaissance, de la vérité et de la sagesse. Née à une époque de violents conflits entre chrétiens, juifs et païens, elle a été victime de la propagation des « fake news » et des fanatiques religieux.
L’air du temps n’est pas sans rappeler la période de la vie d’Hypatie. La guerre en cours à Gaza a entraîné une augmentation de l’antisémitisme et de l’islamophobie, avec des manifestations mondiales de soutien aux Palestiniens et des mesures de répression sévères contre ces derniers. Que pouvons-nous apprendre de l’histoire tragique d’Hypathia ?
Si de nombreux aspects de sa vie quotidienne restent entourés de mystère, les fragments de faits disponibles dressent un tableau saisissant de son caractère. Hypatie était la fille de Théon d’Alexandrie, un philosophe et mathématicien réputé. Elle dirigea sa propre école de philosophie et fut une adepte du néoplatonisme, un cadre métaphysique qui postule l’unité de toute existence et l’ascension de l’âme vers le divin. Sa profonde réputation intellectuelle a attiré un groupe international d’érudits, de l’Afrique du Nord aux pays méditerranéens, qui ont cherché à étudier sous sa direction. Ses étudiants étaient aussi bien chrétiens que non chrétiens. Elle accueillait tout le monde, indépendamment de la religion ou du statut social. Parmi ses disciples se trouvaient d’éminents hommes politiques et religieux de l’époque, dont Synésius, qui deviendrait plus tard évêque de Ptolémaïs, et Oreste, préfet romain d’Alexandrie. On dit que ses étudiants l’aimaient et l’appréciaient.
S’inspirant de la pensée grecque et de la sagesse égyptienne, Hypatie a réalisé des avancées révolutionnaires dans le domaine des calculs mathématiques et de l’algèbre. Elle a notamment édité les œuvres d’Euclide, d’Apollonios, de Diophante et de Ptolémée dans un langage plus facile à comprendre. Ses commentaires, en particulier ceux sur l’astronomie, témoignent de son génie intellectuel.
Elle a participé à la conception et à la construction d’une série d’instruments mécaniques. Ces instruments comprenaient des astrolabes, indispensables aux observations astronomiques, ainsi que des aréomètres, utilisés pour déterminer la densité relative des liquides. Ses importantes contributions aux mathématiques et à l’astronomie ont fondé les bases des futurs progrès de l’astronomie moderne.
Hypatie a mené une vie remarquable, loin des conventions typiques de son époque. Dans une société où le rôle des femmes était souvent défini par leurs relations avec les hommes, la décision d’Hypatie de rester célibataire était à la fois radicale et révolutionnaire. Elle s’était engagée à consacrer sa vie à ses travaux scientifiques.
Malheureusement, l’éclat d’Hypatie avait un talon d’Achille qui allait conduire à sa fin tragique. En 415 après J.-C., à une époque où les tensions religieuses entre chrétiens et païens s’intensifient, Hypatie se retrouve au milieu de fanatiques. Pierre le Lecteur, un chrétien fanatique, enflamme les foules anti-Hypatie en exploitant de fausses rumeurs selon lesquelles Hypatie serait à l’origine d’une querelle entre son ami Oreste et l’évêque Cyrille, un éminent dirigeant chrétien. Ces fausses nouvelles ont conduit à un acte de violence tragique. Hypatie a été saisie par la foule, traînée dans les rues d’Alexandrie et brutalement assassinée.
Sa mort prématurée souligne les dangers d’une ferveur religieuse débridée et la nécessité de préserver la liberté d’expression. La vie d’Hypatie souligne la nécessité de créer des environnements propices à l’épanouissement intellectuel, sans se laisser décourager par les préjugés ou les « fake news ». Sa mort est un sinistre exemple de la façon dont les « fake news » et l’extrémisme religieux divisent les sociétés et tuent ceux qui ne s’y conforment pas.
L’héritage d’Hypatie reste pertinent, non seulement pour les femmes et les universitaires, mais aussi pour l’humanité.